Cyrano De Bergerac
La révélation finale
ROXANE, debout près de lui.
Chacun de nous a sa blessure : j'ai la mienne.
Toujours vive, elle est là, cette blessure ancienne,
Elle met la main sur sa poitrine.
Elle est là, sous la lettre au papier jaunissant
Où l'on peut voir encor des larmes et du sang !
Le crépuscule commence à venir.
CYRANO
Sa lettre !... N'aviez-vous pas dit qu'un jour, peut-être,
Vous me la feriez lire ?
ROXANE Ah ! Vous voulez ?... Sa lettre ? CYRANO
Oui... Je veux... Aujourd'hui...
ROXANE, lui donnant le sachet pendu à son cou. Tenez !
CYRANO, le prenant. Je peux l’ouvrir ?
ROXANE
Ouvrez... lisez !...
Elle revient à son métier, le replie, range ses laines.
CYRANO, lisant. « Roxane, adieu, je vais mourir !... »
ROXANE, s'arrêtant, étonnée.
Tout haut ?
CYRANO, lisant. « C'est pour ce soir, je crois, ma bien-aimée !
J'ai l'âme lourde encor d'amour inexprimée,
Et je meurs ! Jamais plus, jamais mes yeux grisés,
Mes regards dont c'était... »
ROXANE Comme vous la lisez,
Sa lettre !
CYRANO, continuant. « ...dont c'était les frémissantes fêtes,
Ne baiseront au vol les gestes que vous faites :
J'en revois un petit qui vous est familier
Pour toucher votre front, et je voudrais crier... »
ROXANE, troublée.
Comme vous la lisez, -- cette lettre !
La nuit vient insensiblement.
CYRANO « Et je crie
Adieu !... »
ROXANE Vous la lisez...
CYRANO « Ma chère, ma chérie,
Mon trésor... »
ROXANE, rêveuse. D'une voix...
CYRANO « Mon amour... ! »
ROXANE D'une voix...
Elle tressaille.
Mais... que je n'entends pas pour la première fois !
Elle s'approche tout doucement, sans qu'il s'en aperçoive, passe derrière le fauteuil se penche sans bruit, regarde la lettre. - L'ombre augmente.
CYRANO
«