Delacroix
Qu’est-ce que Delacroix ? Quels furent son rôle et son devoir en ce monde ? Telle est la première question à examiner. Je serai bref et j’aspire à des conclusions immédiates. La Flandre a Rubens, l’Italie a Raphaël et Véronèse ; la France a Lebrun, David et Delacroix. Mais enfin, monsieur, direz-vous sans doute, quel est donc ce je ne sais quoi de mystérieux que Delacroix, pour la gloire de notre siècle, a mieux traduit qu’aucun autre ? C’est l’invisible, c’est l’impalpable, c’est le rêve, c’est les nerfs, c’est l’âme ; et il a fait cela, – observez-le bien, monsieur, – sans autres moyens que le contour et la couleur ; il l’a fait mieux que pas un ; il l’a fait avec la perfection d’un peintre consommé, avec la rigueur d’un littérateur subtil, avec l’éloquence d’un musicien passionné.
David avait admiré l’art héroïque de l’Antiquité classique, Ingres avait établi un enseignement rigoureusement établi sur l’observation du modèle vivant, méprisant l’improvisation et le désordre, Delacroix, d’un tempérament plus passionné brisa cette perfection glacée pour introduire en Histoire de l’art, la révolution coloriste. Dernier porte drapeau des grands révolutionnaires, Delacroix s’imposa comme une figure phare de la rupture entre l’Académisme et le romantisme qui s’amorçait. Avec l’œuvre de Delacroix, renseigné par un Journal qui nous renseigne sur sa personnalité et ses convictions, l’imagination prit l’ascendant sur le savoir, la couleur sur le dessin. Grand peintre d’Histoire, il se fit remarquer avec le massacre de Scio où l’idée de l’Orient fantasmé s’allie avec un romantisme pictural qui s’affirme avec la Mort de Sardanapale présenté en 1824 au Salon. En 1832 il accomplit un voyage décisif au Maroc, voyage dont l’importance nous est parvenue grâce à des carnets, croquis et littérature de Delacroix. Le voyage de Delacroix au Maroc lui apporte une vision nouvelle de