Description l'albatros
Souvent, pour s'amuser, les hommes d'équipage
Prennent des albatros, vastes oiseaux des mers,
Qui suivent, indolents compagnons de voyage,
Le navire glissant sur les gouffres amers.
À peine les ont-ils déposés sur les planches,
Que ces rois de l'azur, maladroits et honteux,
Laissent piteusement leurs grandes ailes blanches
Comme des avirons traîner à côté d'eux.
Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule !
Lui, naguère si beau, qu'il est comique et laid !
L'un agace son bec avec un brûle-gueule,
L'autre mime, en boitant, l'infirme qui volait !
Le Poète est semblable au prince des nuées
Qui hante la tempête et se rit de l'archer ;
Exilé sur le sol au milieu des huées,
Ses ailes de géant l'empêchent de marcher.
L'idée initiale de ce poème, paru seulement en 1859, remonterait à un incident du voyage à la Réunion (1841). Pour symboliser le poète, Baudelaire ne songe ni à l'aigle royal des romantiques, ni à la solitude orgueilleuse du condor, décrite par Leconte de Lisle. Il choisit « un symbole plus douloureux » : l'albatros représente « la dualité de l'homme » cloué au sol et inspirant l'infini ; il représente surtout le poète, cet incompris.
Il a vraisemblablement été inspiré à Baudelaire par son voyage en bateau à destination de l'île Bourbon alors qu'il avait à peine 20 ans. La « pêche à l'Albatros » (avec une ligne portant un liège et un triangle de fer amorcé à la viande) était traditionnelle à bord des voiliers au « grand long cours » au-delà des trois caps. L'instrument de pêche triangulaire servait d'ailleurs d'emblème à l'association des anciens marins cap-horniers.
L'Albatros était souvent vu par les marins de l'époque comme malfaisant car un homme tombé à la mer (qu'on ne pouvait pas en général repêcher) était aussitôt attaqué à coups de bec par les