Desir
§ 6. PHILALETHE. L'inquiétude (Uneasiness en anglais) qu'un homme ressent en lui-même par l'absence d'une chose qui lui donnerait du plaisir si elle était présente, c'est ce qu'on nomme désir. L'inquiétude est le principal, pour ne pas dire le seul aiguillon qui excite l'industrie et l'activité des hommes; car quelque bien qu'on propose à l'homme, si l'absence de ce bien n'est suivie d'aucun déplaisir ni d'aucune douleur et que celui qui en est privé puisse être content et à son aise sans le posséder, il ne s'avise pas de le désirer et moins encore de faire des efforts pour en uir. Il ne sent pour cette espèce de bien qu'une pure velléité, terme qu'on a employé pour signifier le plus bas degré du désir, qui approche le plus de cet état où se trouve l'âme à l'égard d'une chose qui lui est tout à ait indifférente, lorsque le déplaisir que cause l'absence d'une chose est si peu considérable qu'il ne porte qu'à de faibles souhaits sans engager de se ' servir des moyens de l'obtenir. Le désir est encore éteint ou ralenti par l'opinion où l'on est que le bien souhaité ne peut être obtenu à proportion que l'inquiétude de l'âme est guérie ou diminuée par cette considération. Au reste j'ai trouvé ce que je vous dis de l'inquiétude dans ce célèbre auteur anglais dont je vous rapporte souvent les sentiments. J'ai été un peu en peine de la signification du mot anglais uneasiness. Mais l'interprète français, dont l'habilité à s'acquitter de cet emploi ne saurait être révoquée en doute, remarque au bas de la page (chap. , § 6) que par ce mot anglais l'auteur entend l'état d'un homme qui n'est pas à son aise, le manque d'aise et de tranquillité dans l'âme, qui à cet égard est purement passive, et qu'il a fallu rendre ce mot par celui d'inquiétude, qui n'exprime pas précisément la même idée, mais qui en approche le plus près. Cet avis (ajoute-t-il) est surtout nécessaire par rapport au chapitre suivant, De la puissance, où l'auteur raisonne beaucoup