Diptyque de soulages, 29 juin 1979
Pierre Soulages, « peintre du noir et de la lumière », est reconnu comme l'une des figures majeures de l'abstraction et le plus grand peintre de la scène française actuelle.
En 1979, Pierre Soulages, qui peint déjà depuis plus de trente ans, aborde une nouvelle phase de son travail qu'il qualifie d'Outrenoir. En se concentrant sur une couleur, le noir, et sur sa relation à la lumière, il conçoit un espace pictural qui, en dépit de l'emploi de cette couleur unique, se situe à l'opposé du monochrome dans la trajectoire de l'art moderne.
Les Outrenoirs réalisés à partir de 1979 sont issus d’une journée de travail infructueuse au terme de laquelle l’artiste abandonne la peinture sur laquelle il s’est acharné tout un jour. Par recouvrement d’échecs successifs la totalité de sa toile est saturée de noir. Le lendemain matin, considérant le résultat avec sa femme, celle-ci lui fait remarquer qu’il vient d’ouvrir une nouvelle voie. Le diptyque du 29 juin 1979 nous montre de quelle manière il s’y engage : non seulement il n’y a plus qu’une couleur mais, de surcroît, il n’y a qu’un outil employé, un type de geste et une consistance de peinture.
Ce polyptyque, composé de deux toiles de largeur différente réunies en une seule, joue sur le seul rythme généré par la variation des formats et les inclinaisons des coups de brosse. Soulages peigne la matière plus qu’il ne peint. De son pinceau, il a effectué de grands gestes horizontaux qu’il a arrêtés avec exactitude aux bords de la toile ou à la frontière de lignes verticales préalablement tracées au crayon. Les différentes profondeurs des sillons creusés par l’outil sont sources de variations infinies. Plus que l’artiste, c’est ici le pinceau qui s’exprime. Cette toile témoigne d’une curiosité de chaque instant opposée au savoir-faire de l’artisan ou au « truc » de l’artiste.
Cet aspect essentiel de l’œuvre de Soulages semble en appeler au célèbre passage qu’au tout début des années 1960