Discour à monsieur de la rochefoucault

551 mots 3 pages
Discours à Monsieur le duc de la Rochefoucauld

Je me suis souvent dit, voyant de quelle sorte L'homme agit, et qu'il se comporte,
En mille occasions, comme les animaux:
« Le roi de ces gens-là n'a pas moins de défauts Que ses sujets, et la nature A mis dans chaque créature
Quelque grain d'une masse où puisent les esprits;
J'entends les esprits corps, et pétris de matière. » Je vais prouver ce que je dis.

A l'heure de l'affût, soit lorsque la lumière
Précipite ses traits dans l'humide séjour,
Soit lorsque le soleil rentre dans sa carrière,
Et que, n'étant plus nuit, il n'est pas encor jour,
Au bord de quelque bois sur un arbre je grimpe,
Et, nouveau Jupiter, du haut de cet Olympe Je foudroie, à discrétion, Un lapin qui n'y pensait guère.
Je vois fuir aussitôt toute la nation Des lapins, qui, sur la bruyère, L'œil éveillé, l'oreille au guet,
S'égayaient, et de thym parfumaient leur banquet. Le bruit du coup fait que la bande S'en va chercher sa sûreté Dans la souterraine cité :
Mais le danger s'oublie, et cette peur si grande
S'évanouit bientôt; je revois les lapins,
Plus gais qu'auparavant, revenir sous mes mains.

Ne reconnaît-on pas en cela les humains? Dispersés par quelque orage, A peine ils touchent le port Qu'ils vont hasarder encor Même vent, même naufrage; Vrais lapins, on les revoit Sous les mains de la Fortune.
Joignons à cet exemple une chose commune.

Quand des chiens étrangers passent par quelque endroit, Qui n'est pas de leur détroit, Je laisse à penser quelle fête! Les chiens du lieu, n'ayant en tête
Qu'un intérêt de gueule, à cris, à coups de dents, Vous accompagnent ces passants Jusqu'aux confins du territoire.
Un intérêt de biens, de grandeur, et de gloire,
Aux gouverneurs d'États, à certains courtisans,
A gens de tout métier, en fait tout autant faire. On nous voit tous, pour l'ordinaire,
Piller le survenant, nous jeter sur sa peau.
La

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