Dissertation

Le rire dans ce qu’il a d’excessif est nécessaire à l’idéal philosophique.
Daniel Ménager, La Renaissance et le rire (1995)

Dans quelle mesure une telle formule éclaire-t-elle la portée et l’écriture de Gargantua de Rabelais ?

L’imaginaire collectif attribue bien souvent à François Rabelais une image stéréotypée de bon vivant aimant par-dessus tout le vin, la nourriture, l’obscénité, et le rire. Daniel Ménager quant à lui, dans La Renaissance et le rire affirme que l’excessivité du rire est nécessaire à l’idéal philosophique. En cherchant à nous affranchir des préjugés, nous pouvons donc nous demander de quelle manière le rire engendre la pensée dans Gargantua. Notre intérêt sera tout d’abord porté sur l’écriture de l’humour dans l’œuvre, un humour basé sur le bas corporel et qui se révèle excessif par son omniprésence. Ensuite nous constaterons que l’humour est un choix. En effet Rabelais n’utilise pas l’humour gratuitement et derrière une apparence frivole se cache en réalité un récit profond. Enfin, nous verrons que l’humour a une visée critique, une critique de la Sorbonne et de l’éducation scolastique d’une part et une critique de l’Eglise et du pouvoir d’autre part.

L’humour dans Gargantua tient en grande partie de la paillardise de l’œuvre. François Rabelais semble en effet se complaire dans l’évocation du domaine du bas corporel et cumule les termes obscènes comme dans le chapitre XX « fiantoit, pissoyt, rendoyt sa gorge, rottoyt, esternuoit et se morvoyt ».Le corps est omniprésent à travers les besoins naturels ce qui entraine chez les personnages une sorte de régression animale humoristique. Rabelais valorise des actions primaires comme boire et manger et s’attarde sur des éléments scatologiques pour le plus grand plaisir de ses lecteurs populaires. Il associe au chapitre XX le vocabulaire de la nourriture à celui de la beauté « belles tripes frites, belles carbonnades, beaux jambons, belles