On se remémore Aragon et ses « Strophes pour se souvenir », on ressent « Le mal » dans les Poésies de Rimbaud, on ne peut oublier Vian qui pleure et chante dans « À tous les enfants », on se souvient de Desnos et de « Ce cœur qui haïssait la guerre »… depuis sa création et surtout à partir des XIXe et XXe siècles, la poésie se trouve une mission. De grands événements de l’Histoire ont incité de nombreux poètes à se servir de leur plume pour témoigner, rassembler ou dénoncer, suite au devoir de l’engagement qui leur incombait. Gabriel Celaya, poète espagnol, explique dans « La poésie est une arme chargée de futur », que la poésie doit être des « actes sur terre, un cri vers l’horizon ». Il devient alors intéressant de s’interroger sur le rôle conféré aux poètes au travers de leurs œuvres. Nous verrons donc d’abord, à l’instar de Celaya, comment le poète s’engage dans son époque en tant que messager des hommes et fait de son œuvre une arme. Il est ensuite nécessaire de prouver que l’engagement n’est pas le seul rôle du poète qui se fait à la fois artiste, prince lyrique ou encore messager divin.

D’un côté, le poète se doit de s’engager dans son époque, concerné, « en situation », comme l’écrit Sartre dans son livre Situation II, devant les événements historiques qui le poussent à témoigner, à dénoncer, à inviter à l’action et à la réflexion.

D’abord, et avant toute chose, le poète est un témoin, celui qui, par la magie de ses mots, parvient à rendre immortel un moment, un fait relatif à son époque. Ce témoignage peut constituer un monument ancien, par exemple décrire un passé douloureux, afin que celui-ci ne se renouvelle plus, comme l’a dit Orhan Panuk, écrivain turc, lors de son discours de réception du prix Nobel (décembre 2006). Une autre raison au rôle de témoin du poète est de faire le devoir de mémoire : mettre en garde contre l’oubli, ce qu’a réalisé Aragon en rendant hommage au groupe résistant Manouchian au travers des vers de ses «