Le détour par l’autre est-il un bon moyen pour dénoncer les travers de sa propre société ?
L’utopie et la contre utopie sont des genres utilisés par les auteurs à travers les siècles pour faire passer leurs idées. Sous couvert d’un monde imaginaire, d’une société en apparence très éloignée de la nôtre, les écrivains argumentent, et amènent le lecteur à se questionner et à envisager la société dans laquelle ils vivent sous un autre angle.
Mais comment ces évocations marquées par l’éloignement par rapport à notre monde permettent-elles de porter une réflexion critique sur la réalité qui nous entoure ?
Pour tenter de le comprendre, nous allons, de prime abord, voir comment des mondes éloignés du notre peuvent nous dépayser, puis, dans une seconde partie, montrer que ce dépaysement stimule notre réflexion. Enfin, nous verrons que même si ce genre est efficace, il comporte tout de même certaines limites.
Une des conditions de l’utopie ou de la dystopie est le dépaysement du lecteur : l’auteur présente au lecteur un monde dont il doit découvrir le fonctionnement politique, social, les mœurs des habitants. Pour cela, il utilise très souvent le dépaysement géographique pour déraciner le lecteur. Dans le conte philosophique éponyme, Candide et Cacambo découvrent après un voyage périlleux sur un radeau un pays imaginaire et totalement fabuleux. Le voyage est important, et bien souvent, comme dans cet extrait, les protagonistes arrivent dans le pays inconnu après un long périple, dont on ne peut repérer le tracé sur une carte : « Ils voguèrent quelques lieues entre des bords tantôt fleuris, tantôt arides, tantôt unis, tantôt escarpés. La rivière s'élargissait toujours ; enfin elle se perdait sous une voûte de rochers épouvantables qui s'élevaient jusqu'au ciel. Les deux voyageurs eurent la hardiesse de s'abandonner aux flots sous cette voûte. Le fleuve, resserré en cet endroit, les porta avec une rapidité et un bruit horrible. Au bout de vingt-quatre heures ils