De 1942 à 1945, l'Europe fut le théâtre d'une des plus grandes tragédies du siècle et de l'histoire de l'humanité : le génocide des Juifs programmé méticuleusement, ce que les nazis désignèrent comme la "solution finale". Depuis maintenant plus de cinquante ans que les événements ont eu lieu, notre connaissance des événements n'a cessé de se préciser. Malgré les désaccords entre historiens, la lumière a été faite sur le processus, les responsables, le nombre de victimes, s'appuyant notamment sur les témoignages (lettres, journaux intimes…) des survivants. Parallèlement à ce travail d'éclaircissement, d'analyse, de description, des hommes et des femmes témoins directs ou indirects, ou descendants de déportés ont eu recours à la fiction pour raconter les camps de la mort : littérature (roman, théâtre, poésie…), peinture, cinéma... tous les arts ont été sollicités. Certains artistes ont eu le sentiment que le simple témoignage ne se suffisait pas à lui-même, répondant par là aux reproches de certains historiens soucieux d’authenticité. L'un d'eux, Jorge Semprun, auteur de L'écriture ou la vie justifie ce recours à l'art pour dire l'inimaginable. Il nous invite à nous poser la question suivante : face à l'historien qui recherche méticuleusement la vérité d'une époque, d'un événement l'artiste peut-il prétendre atteindre cette même vérité par des chemins qui lui sont propres ? Pour répondre à cette question nous émettrons certaines critiques à l'encontre de la position de Semprun; puis, nous verrons ce que permet spécifiquement l'art dans l'évocation de cette tragédie.

On peut opposer certaines restrictions à Semprun quand il affirme que seul le prisme de l'art peut parvenir à restituer l'horreur des camps de la mort. La fiction met peut-être en danger la vérité historique, nuit au projet commémoratif et finalement, aux victimes.
La fiction revendiquée par Semprun implique une part d’invention, c’est-à-dire une falsification. En effet, il raconte que dans certaines