Démocratie de l'abstention
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38,62 %, c'est le pourcentage du nombre d'abstentionnistes parmi les citoyens français au lendemain du premier tour des élections municipales du 23 mars 2014. Il y a donc eu environ 16 millions d'électeurs à rester chez eux, pour une élection jouissant normalement d'une attractivité forte auprès de la population. Jamais une participation politique pour une élection municipale n'avait été aussi faible dans l'histoire de la Vème République. Ces chiffres interpellent et appellent à une analyse des évolutions politiques majeures et à une interrogation des variables entraînant cette chute de la participation politique. Cette dernière se définit comme « l’ensemble des activités d’ordre politique que peuvent avoir les individus au sein d’une société » et il semble qu'elle soit en déclin. Ce sont ces chiffres illustrant un déclin profond de la participation qui ont conduit Jean-Yves Dormagen et Céline Braconnier à mener, durant cinq années, une étude dans la cité des Cosmonautes, à Saint-Denis (93), dans le nord de Paris. Là-bas, ils ont été en mesure d'analyser la palpable dépolitisation des citoyens, se traduisant par une démobilisation électorale.
Les milieux populaires et leurs votes sont peu étudiés dans le cadre de la « moyennisation » de la société. En effet, les « cités » ne font pas l'objet d'enquêtes approfondies pour de multiples raisons, parmi celles-ci, la difficulté de la compréhension de ces habitants lorsqu'ils sont analysés à travers le clivage classique gauche-droite de sociologie politique. C'est la raison pour laquelle Jean-Yves Dormagen, professeur de sciences politiques à l'université Montpellier I, et Céline Braconnier, de l'université Cergy-Pontoise, ont décidé d'étudier le phénomène en mettant en évidence les conséquences structurelles du chômage de masse, de déscolarisation, d'isolement spatial, de ghettoïsation, de précarisation des cités populaires. Les auteurs ont été en mesure d'affirmer que la France est un pays dans lequel la