Angleterre, 1859, à mi-chemin entre Liverpool et Manchester. Mon esprit vagabondait tandis que le train filait à travers la Lande. Accoudé au rebord de ma fenêtre ouverte, je m’amusai à deviner à quelle vitesse courait le train. J’estimai celle-ci à environ 25 miles. L’épais sillage de fumée noire tracé par l’imposante locomotive donnait un aspect fantastique à la scène, qui présageait peut-être de la rencontre qui allait suivre. Alors que nous traversions un épais nuage de brouillard typiquement anglais, qui, mêlé à la fumée crachée par le train, m’étouffait au point de me faire tourner la tête, la pluie commença à tomber. D’abord ténue, elle devint vite vigoureuse, assaillant tambour battant les flancs d’acier du train tels les flèches aiguisées d’un camp ennemi. Tandis, qu’à contrecœur, je fermai ma fenêtre, le vent plaqua contre mon visage un carré de coton brodé, poisseux par la fumée, dégoulinant par la pluie… Ce dont je fus extrêmement agacé. Ah ! Quelle maladresse, quelle idée, quelle impolitesse de se moucher nez au vent par un pareil temps ! Aveuglé donc, je fus d’abord courroucé mais je succombai aussitôt à un parfum exquis dont les notes délicates avaient résistées à la tempête, une douce fragrance de rose relevée de santal et d’une odeur épicée inconnue à mon nez pourtant fin. Ces délices me firent l’effet d’un bal donné en l’honneur de mes sens tandis que je laissai glisser délicatement le mouchoir de ma joue vers mon cœur. C’est alors que m’apparue la propriétaire de ce trésor : la plus délicieuse créature sur laquelle mes yeux eurent jamais le droit de se poser. Mon cœur, pris d’une rage soudaine, frappait avec violence à l’intérieur de ma poitrine jusqu’à me faire mal, mais de ce mal si doux qu’on préfère le chérir tendrement plutôt que de le chasser : le mal de la passion et de l’amour. Moi qui était déjà enivré par son parfum, je fus en plus subjugué par la finesse de sa taille de guêpe, ébloui par l’élégance de royale de son port de tête,