En 1924 André Derain n’est pas le premier à s’inspirer d’Arlequin et Pierrot, leurs costumes colorés, la bouffonnerie de leurs personnages, l’univers du cirque de la Comedia dell’ Arte sont depuis longtemps une source d’inspiration pour les artistes. Chacun a représenté à sa manière un arlequin, un pierrot ou un clown. Bref, l’un de ces personnages de comédie, dont la vocation est de nous faire rire. Mais c’est justement là que le bât blesse. Pourquoi nous les montrent t-ils tristes. Ils ne sont pas drôles du tout ici. Depuis le 19ème siècle, l’histoire de la peinture nous montre des amuseurs tristes à mourir. Bien sûr le clown est double, il représente la comédie et le drame, la dérision et le pathétique, à chaque fois qu’il se fait botter le derrière ou taper dessus a coup de bâton, ça fait rire, mais ça fait mal aussi. Or c’est cette souffrance que les artistes ont décidé de représenter et ce, pour une raison simple : cette souffrance, c’est la leur. Le clown triste, la victime de la cruauté du monde, c’est l’artiste. Autrefois, les artistes étaient considérés, ils faisaient partis intégrantes de la société. L’artiste moderne en revanche, depuis qu’il ne travaille plus pour l’Eglise ou l’aristocratie, s’est vu maintes fois humiliés par la critique et le public. On se moque de lui, on éclate de rire, ou on crache devant ses œuvres, alors l’expression tragique que l’on voit sur les visages d’Arlequin et Pierrot, c’est bien sûr celle de Derain, leur acharnement à gratter les cordes inexistantes de leur instrument, c’est la difficulté de la création. Quant à ce décor aride, presque désertique, c’est la solitude de l’artiste dans un monde qui veut croire qu’il na pas besoin de l’artiste, qu’il est inutile.

Bien qu’il s’agisse d’une composition de fantaisie, cette œuvre retient par son caractère insolite. L’espace en est rigoureusement limité : au premier plan, à droite, une nature morte composée d’un violon et de son archet, d’une cruche, objet familier chez