Français
Ma mère était mercière et mon père mercier : ils trépignaient de joie.
Inexplicablement je connus l'injustice et fus mis un matin
chez une femme avide et bête, une nourrice, qui me tendit son sein.
De cette outre de lait j'ai de la peine à croire que j'en tirais festin en pressant de ma lèvre une sorte de poire, organe féminin.
Et lorsque j'eus atteint cet âge respectable vingt-cinq ou vingt-six mois, repris par mes parents, je m'assis à leur table.
Mon père débitait des toises de soieries, des tonnes de boutons, des kilos d'extrafort et de rubanneries
rangés sur des rayons.
Quelques filles l'aidaient dans sa fade besogne en coupant des coupons et grimpaient à l'échelle avec nulle vergogne, en montrant leurs jupons.
Ma pauvre mère avait une âme musicienne
et jouait du piano; on vendait des bibis et de la valencienne au bruit de ses morceaux.
Jeanne Henriette Evodie envahissaient la cave cherchant le pétrolin, sorte de sable huileux avec lequel on lave
le sol du magasin.
J'aidais à balayer cette matière infecte, on baissait les volets, à cheval sur un banc je criais « à perpette »
Ainsi je grandissais parmi ces demoiselles en reniflant leur sueur qui fruit de leur travail perlait à leurs aisselles : je n'eus jamais de sœur.
«Tu étais» me dit-on «méchant, tu pleurnichais avec malice devant des gens de connaissance, c’était vraiment très embêtant.
«Tu chialais, enfant, comme un veau et tu n’en faisais qu’à ta tête, tu hurlais pour une calotte et tu ameutais les badauds.
«Tu barbouillais de chocolat tes beaux vêtements du dimanche sous le prétexte que ta tante avait oublié tes soldats.
«Maintenant, tu es devenu le plus grand cancre de ta classe, nul en gym et en langue anglaise et chaque jeudi retenu.
«Sur des dizaines de cahiers tu écris de longues histoires, des romans, dis-tu, d’aventures; mon fils te