La notion d’inconscient introduit-elle la fatalité dans la vie de l’homme? Comme la construction du mot le suggère clairement, l’inconscient se définit d’emblée comme ce qui n’est pas “le conscient”; il ne désigne pas un état d’”inconscience” qui caractérise par exemple le sommeil ou l’évanouissement, mais une partie du psychisme qui se différencie de la conscience. Or cette dernière implique la notion de choix (cf. Bergson : “La conscience signifie hésitation ou choix”), et de volonté. On peut donc être logiquement porté à considérer l’inconscient comme une instance psychique étrangère au contrôle et à la volonté du sujet. Dans cette perspective, il n’est pas surprenant d’associer inconscient et fatalité dans la mesure où ce mot (provenant de “fatum” qui signifie littéralement :“ce qui est dit” et se traduit par “destin”) suggère que l’événement est inévitable quelle que soit la force de la volonté qu’on lui oppose. (cf. l’histoire exemplaire d’Œdipe) Le problème est donc de savoir si une psychologie et plus largement une conception de l’homme (une anthropologie, voire une philosophie) qui accorde à la notion d’inconscient une place centrale, comme la psychologie freudienne notamment, suscite une nouvelle forme de fatalisme, dégagé de ses arrière-plans religieux, mais tout aussi sceptique que le fatalisme tragique des anciens ou que les adeptes de la théorie chrétienne de la prédestination, quant à la capacité de l’homme à prendre en charge son existence, ou si, au contraire, la connaissance des mécanismes inconscients qui peuvent nous priver de notre liberté de choix et d’action n’est pas le plus efficace des remèdes contre la fatalité qui nous menacerait. L’une des raisons les plus immédiates qui peut conduire à associer la théorie freudienne de l’inconscient psychique et l’idée de fatalité est évidemment la place spectaculaire qu’y occupe la figure légendaire du héros tragique Œdipe. On sait l’importance qu’accorde Freud au “complexe d’Œdipe”, qu’il définit