je sais pas
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Pendant des années j'ai cru que cette femme était en dehors de ma vie, pas très loin peut-être mais en dehors.
Qu'elle n'existait plus, qu'elle vivait très loin, qu'elle n'avait jamais été aussi belle que ça, qu'elle appartenait (appartenir à: belong to) au monde du passé. Le monde de quand j'étais jeune et romantique, quand je croyais que l'amour durait toujours et que rien n'était plus grand que mon amour pour elle. Toutes ces bêtises.
J'avais vingt-six ans et j'étais sur le quai d'une gare. Je ne comprenais pas pourquoi elle pleurait tant. Je la serrais dans mes bras et m'engouffrais (se engouffrer: bury) dans son cou. Je croyais qu'elle était malheureuse parce que je partais et qu'elle me laissait voir sa détresse. Et puis quelques semaines plus tard, après avoir piétiné (piétiner: to stamp) mon orgueil (n.m pride) comme un malpropre au téléphone ou en gémissant (gémir: to moan) dans les lettres trop longues, j'ai fini par comprendre.
Que ce jour-là elle flanchait (flancher: to fail) parce qu'elle savait qu'elle regardait mon visage pour la dernière fois, que c'était sur moi qu'elle pleurait, sur ma dépouille. Et que la curée ne luis faisait pas plaisir.
Pendant des mois, je me suis cogné (se cogner: bump into) partout (everywhere).
Je ne faisais attention à rien et je me suis cogné partout. Plus j'avais mal, plus je me cognais.
J'ai été un garçon délabré (délabré,e: broken-down) admirable: tous ces jours vides (empty) où j'ai donné le change. En me levant, en travaillant jusqu'à l'abrutissement (stupefying), en me nourrissant sans faire d'histoires, en buvant des bières avec mes collègues et en continuant de rire grassement avec mes frères alors que la moindre pichenette (n.f flick) du moindre d'entre eux aurait suffi à me briser (briser: break) net.
Mais je me trompe. Ce n'était pas de la vaillance (n.f la vaillance: courage). C'était de la connerie (la connerie: stupidity):