Jean CAZENEUVE Bonheur et Civilisation 1966 1
Azedine BENJELLOUL
[Dans ce passage, l’auteur parle de l’homme de demain : sa place dans la société, ses aspirations, sa personnalité...] Il sera une sorte de robot pensant, soumis à l’action des moyens de communication, à la télévision, à la publicité. Son caractère sera façonné non dans le foyer de ses parents mais dans le milieu social, celui des gens de même âge, de même profession. Modelé sans le savoir par une collectivité apparemment débonnaire(1) , il sera autant que possible semblable à ses voisins, efficace et sociable comme il se doit, et n’aura guère d’autre vocation que de se perdre dans la foule.
Son idéal sera d’être intégré dans le monde moderne, d’y acquérir le confort et d’étendre ses relations. Même dans ses loisirs, il renoncera à sa personnalité et "suivra le mouvement ". Bref, la formule de l’homme heureux de demain, ce sera le conformisme(2).
L’individu, en effet, n’est plus transcendé(3) par le groupe, il n’est plus soutenu par le mécanisme des traditions [ ...], mais en même temps il n’a plus vraiment son libre arbitre, ni surtout son originalité. Il n’est ni un élément d’une totalité organisée, ni un centre de décision personnelle, mais le reflet indéfiniment répété d’un être social anonyme(4).
[ ...] Quelle place est faite dans chaque type de civilisation à ceux qui ne veulent pas s’y conformer, à ceux qui vont à contre-courant ? Sont-ils soutenus dans leur quête d’indépendance, ou bien exclus de la horde(5) ? C’est le problème de la tolérance ou de la rigidité des cultures.
Jean CAZENEUVE, Bonheur et Civilisation ( 1966 )
(1) débonnaire : dans le texte, une société bienveillante, qui n’est pas rigide.
(2) conformisme : attitude de celui qui se soumet aux règles, aux opinions communément admises.
(3) transcendé : dans le texte, l’individu n’est plus guidé, assisté par le groupe.
(4) anonyme : qui ne se distingue pas des autres.
(5) horde : dans le texte, le groupe social.
Jean CAZENEUVE, Bonheur et Civilisation