Joie de vivre
L’azur est scintillant
De grands nuages blancs
Qui vont, viennent et passent,
Comme des balles dans l’espace,
Le tablier mouvant des blés Projette
Jusque au ciel les alouettes.
Elles fusent et jaillissent si haut
Vers la lumière et ses joyaux
Que leur élan s’y noie
Et qu’elles volent sans qu’on les voie.
Mais les nuages blancs et lents
Qui, tout là-haut, font route,
Écoutent
Leur chant
Et leurs cris et leurs trilles
Qui brillent
Tels des micas diamantés
Dans l’air torride et sec du flamboyant été.
Émile VERHAEREN, Toute la Flandre, Mercure de France
(poète belge, 1855-1916)
D’UN VANNEUR DE BLÉ, AUX VENTS
À vous, troupe légère,
Qui d’aile passagère
Par le monde volez,
Et d’un sifflant murmure
L’ombrageuse verdure
Doucement ébranlez :
J’offre ces violettes,
Ces lis et ces fleurettes,
Et ces roses ici
Ces vermeillettes roses,
Tout fraîchement écloses,
Et ces œillets aussi.
De votre douce haleine
Éventez cette plaine,
Éventez ce séjour,
Cependant que j’ahane
À mon blé que je vanne
À la chaleur du jour
Joachim DU BELLAY, Jeux rustiques.
(poète français, 1522-1560)
LA SOURCE
Voici jaillir tes simples eaux,
Extase encore des ténèbres ;
Au pied d’un saule une fenêtre…
Et c’est la mer et ses vaisseaux.
L’anguille qui déjà repart
Promène un songe dans l’espace ;
Jusqu’aux frontières des Sargasses,
Elle aimera dans ton miroir.
Tu roules les saisons du cœur,
Belle avalanche des vallées,
Neige lascive délivrée
Des hauts sommets de ton bonheur.
Tu viens de plus loin que le vent,
Que l’ombre et ses troupeaux nomades ;
Mais tu sais bien que ta croisade
Est vanité sur l’océan.
Au pied d’un saule, ô simples eaux,
Rêvez quand même de vaisseaux.
Edmond