Kaplan - poétique de l'inssoumission
L Excès-l'usine: d¹abord entre mes mains, un manuscrit. Et la lecture d¹un manuscrit ne peut être que fautive, n¹étant pas désintéressée. Le souci de l¹éditeur impose précautions et exigences. Il empêche l¹objectivité qui, heureusement et de toute manière, est impossible. L¹impossible objectivité brouille la vue qui se veut trop clairvoyante. Et le livre n¹est pas encore livre. Inachevé, renoncera-t-il jamais à l¹être pour atteindre ce statut où il sera protégé par le respect: respect du livre?
Mais L¹Excès-l¹usine a presque tout de suite cessé d¹être un manuscrit, cessé d¹être un livre. Dès la première page, il a dit ce qui ne pouvait être dit qu¹en nous arrachant au dire. Des mots simples, des phrases courtes, pas de discours et au contraire la discontinuité d¹une langue qui s¹interrompt parce qu¹elle touche à l¹extrémité. C¹est peut-être la poésie, c¹est peut-être plus que la poésie.
D¹autres livres, remarquables, ont décrit le travail de l¹usine et à l¹usine. Mais ici et dès les premiers mots, nous comprenons que, si travaillant, nous entrons dans l¹usine, nous appartiendrons désormais à l¹immensité de l¹univers (³ la grande usine univers ²), qu¹il n¹y aura plus d¹autre monde, qu¹il n¹y en a jamais eu d¹autre : fini le temps, abolie la succession, ³ les choses existent ensemble, simultanées >. Il n¹y a plus de dehors vous en sortez ? Vous n¹en sortez pas. Nuit, jour, c¹est sans différence et, sachez-le, la retraite à60 ans, la mort à 70 ans ne vous libéreront pas. Le long temps, comme la fulgurance de l¹instantané se perdent l¹un et l¹autre. C¹est la ³ structure ² de l¹être, de l¹être jusque dans sa vacance. C¹est peut-être l¹il y a. Oui, sachez-le, quoi que vous fassiez, vous faites (³ on fait sans arrêt ²). C¹est l¹incessant : l¹éternité qui a une fois pour toutes supprimé le bonheur de la fin. Vous êtes les misérables dieux condamnés à une immortalité sans avenir.