La coexistence confessionnelle aux provinces unies à l'époque moderne
4452 mots
18 pages
La coexistence confessionnelle : complicités, méfiances et ruptures aux Provinces-Unies Willem Frijhoff, in Histoire vécue du peuple chrétien**, Delumeau. Dans les Provinces Unies, la pluralité confessionnelle provoqua un haut niveau de pratique, car chaque groupe tenait à s’affirmer face aux autres. Mais, en dépit des controverses, se développa par la force des choses une « œcuménicité quotidienne des rapports individuels ». En guise d’introduction : une nation protestante ? L’article commence avec deux témoignages, le premier du théologien luthérien allemand Henri-Ludolphe Benthem (1661-1723) qui, dans le récit de son voyage en Hollande, est choqué par l’absence généralisée d’ordre et de discipline autoritaire, voire le caractère licencieux de la culture hollandaise : « saleté des églises », « très grande liberté religieuse », « éducation trop libérale des enfants » (parfois sans aucune punition corporelle !), « manque général de bonnes manières », … Le deuxième témoignage est celui du colonel Stouppa, commandant pour le roi très chrétien à Utrecht en 1673, bien que suisse et de confession réformée… Il lui est reproché de mener une guerre fratricide contre la nation protestante qu’est la Hollande, ce à quoi il répond que la Hollande n’est pas une nation protestante, parce qu’en dépit de leur confession, les Hollandais ne se comportent pas en vrais réformés. Il enchaîne sur « l’incroyable liberté religieuse qui règne dans ce pays », et sur le nombre important de « sectes, de confessions et de religions » : « réformés, catholiques romains, luthériens, brounistes, indépendants, arminiens, anabaptistes, sociniens, ariens, enthousiastes, quacquiers (quakers) ou trembleurs, borrélistes, arméniens, moscovites, libertins, et autres « chercheurs », sans compter les juifs, les Turcs et les Persans,… » Dans une Europe où, presque partout, la religion du prince a force de loi, la République des Provinces-Unies déroute par sa diversité et sa liberté