la fiction réaliste
Lanterne, l’ancienne résidence de Matignon, mise à la disposition de la présidence de la
République depuis 2007. C’est un lieu tranquille, le long du parc de Versailles.
L’opération de sortie a été pensée dans le moindre détail pour éviter les photos de paparazzi. C’est comme une exfiltration. J’ai du mal à mettre un pied devant l’autre. Je marche au bras d’un officier de sécurité, en état de flottaison. Évidemment, nous évitons la porte principale. Le dispositif est renforcé. La voiture que nous utilisons habituellement est transformée en leurre et envoyée en éclaireuse.
L’opération fonctionne. Des équipes de télévision et des photographes sont postés devant la Lanterne, mais ils ne captent que l’image fugitive d’une voiture aux vitres teintées s’engageant dans l’allée, rien de plus. Ils n’auront pas même mon ombre. C’est le mot : je ne suis qu’une ombre.
Je retrouve avec plaisir cet endroit que j’aime, où j’ai sans doute passé les meilleurs moments de ma vie auprès du Président, avec ses hautes fenêtres et ses pièces baignées de lumière, une maison sereine, protégée par des arbres immenses et centenaires. Je suis accueillie par le couple de gardiens, d’anges gardiens devrais-je dire. Ils gèrent le domaine depuis vingt-cinq ans. Ils ont vu bien des Premiers ministres, jusqu’à ce que
Nicolas Sarkozy récupère ce coin de paradis pour la présidence. Ils ont assisté à bien des réunions secrètes, des fêtes de famille et sans doute à quelques drames. Mais ils n’en disent rien. Ils n’ont jamais trahi personne, jamais raconté le moindre détail. J’aimais partager un café avec eux le matin, nous bavardions souvent de tout et de rien. C’était toujours de bons moments. Ils voyaient ma solitude.
Un des jeunes médecins de l’Élysée est présent vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans la chambre d’à côté, pour surveiller ma tension et m’administrer un traitement