La littérature et la mort
Apophtegme d’’Epicure
« Si la mort est là, je ne suis plus, si je suis, elle n’est pas là. C’est irréfutable. »
Mort est indescriptible, inénarrable. Elle est anéantissement de la conscience de soi.
Lucrèce : l’homme s’indigne d’avoir été créé mortel, sans voir que, dans la mort, il n’y aura pas d’autre lui-même qui, demeuré vivant, puisse déplorer sa propre perte et, resté debout, gémir de se voir gisant en terre…
Absence d’un être cher est d’autant plus douloureuse qu’on ne comprend pas mieux la mort pour lui que pour soi puisqu’il faisait partie de soi et qu’à nouveau c’est de la « la mort-propre » selon l’expression de Jankelevitch.
Le silence est la pire équivalence de la mort.
A l’attitude superstitieuse répugnant à nommer le danger, de crainte de le faire exister s’oppose la position religieuse. L’ancienne liturgie, reprenant elle-même la conclamatio romaine et poursuivie de nos jours par les prières pour les trépassés de la semaine, appelait, rappelait les morts par leur nom. (on notera cependant que ces nomina tout à la fois entretiennent la mémoire et retiennent les morts dans le passé où ils doivent rester). Le Catalogue « présentation énumérative des morts », fut en littérature un véritable topos. Des genres rhétoriques ou du moins des sous-genres se spécialisent dans le traitement de la mort : l’Adieu, la déploration, l’Eloge, l’Epitaphe, te Threne. La finalité de la consolation et plus encore de l’oraison est de transformer l’agonie en exemple pour perpétuer la mémoire du mort, glorifier la lignée, la familia, en confortant les valeurs du groupe de la cité, de l’état. Elle est de transformer la rupture qu’est la mort individuelle en continuité collective.
Le langage constitue un recours fondamental et peut-être unique contre la mort. L’écriture lui donne une puissance plus grande. Le geste d’écriture est un geste de désendeuillement. Mise à distance de l’objet. Mort est inséparable du deuil. Mort est avant