La nation selon fichte
Revenons brièvement sur l’auteur, Johann Gottlieb Fichte (1762-1814). D’origine d’une famille modeste de Rammenau, il découvre rapidement et par hasard la philosophie d’Emmanuel Kant, à qui il doit son premier succès sur un malentendu ; Essai d'une critique de toute révélation (1792) est publié anonymement et le public l'attribue à Kant. Enthousiaste de la Révolution française, il la défend dans deux écrits intitulés Revendication de la liberté de penser à l'encontre des princes de l'Europe qui font jusqu'ici comprimée et Contribution au redressement des jugements du public sur la Révolution française. Il partage avec les intellectuels allemands de son époque une dérive allant du cosmopolitisme de l’Aufklärung et de la philosophie populaire vers la ferveur patriotique inspirée de la nostalgie du Saint Empire germanique. Il est nommé en 1794 professeur de philosophie à Iéna puis, accusé d'athéisme par des contradicteurs, il donne sa démission en 1799, et se rend à Berlin. Après la bataille d'Iéna, il se retire à Königsberg, puis à Copenhague. Mais dès 1807 il revient à Berlin, et c'est là qu’il prononce ses fameux Discours à la nation allemande. Lors de la création de l'université de Berlin, il y reçoit une chaire de philosophie. Il meurt le 7 janvier 1814.
Les Discours à la nation allemande (Reden an die deutsche Nation) datent de l’hiver 1807 1808. A cette époque, la Prusse a été battue par Napoléon à Iéna, l’Allemagne est occupée par les troupes françaises, c’est alors qu’à Fichte la question se pose : Comment préserver l’originalité de la nation allemande ? Il s’agit selon Alain Renaut dans sa préface des Discours de réveiller chez un public découragé par la défaite un nouvel esprit commun. Mais si l’on retient plus particulièrement les ambigüités des Discours, l’on en oublie souvent leur audace et leur importance dans la philosophie politique ; ils sont majoritairement perçus comme contributeurs au nationalisme pangermanisme,