La poésie est-elle un art de la représentation ?
Plus pernicieuse, la conception selon laquelle la poésie ne serait qu’un art de bien dire, une ornementation de la pensée, a connu une certaine vogue au XVIIe et au XVIIIe siècle. On voit alors des écrivains mettre en vers des recueils philosophiques, des œuvres historiques voire des manuels mathématiques. Il faut bien avouer que la Henriade de Voltaire reste sur les rayons des bibliothèques peu à peu recouverte de la poussière des ans. Si le Vigny de La bouteille à la mer est encore lu, c’est qu’il a su nous faire partager sa foi brûlante dans le rôle du poète, dans la victoire future de la Science et de l’Esprit. Mais c’est une exception dans cette lignée de littérateurs pour qui la poésie est cet écrin de verre qui permettra à la pensée d’arriver à bon port malgré « les flots ou la brise », c’est la transmutation, le grand œuvre de quelque alchimiste qui confère à l’idée la pureté et la dureté du diamant.
Plus féconde a été la généalogie de ceux pour qui la poésie doit être l’expression des émois du cœur, en quelque sorte un chant de l’âme, la musique des passions et des émotions. À l’époque romantique, ils sont nombreux ceux qui expriment leur moi intérieur et qui veulent en même temps être « l’écho sonore » de tous les sentiments humains. Les chantres du Moi ont bien senti que la sensibilité, par son caractère irrationnel, était une attitude poétique. Baudelaire écrivait à Ancelle à propos des Fleurs du mal : « Dans ce livre atroce, j’ai mis toute ma pensée, tout mon