La présence d'autrui nous évite-elle la solitude ?
Michel Tournier, dans Vendredi ou les Limbes du Pacifique, nous décrit un homme seul, Robinson, rescapé d'un naufrage sur une île déserte. Livré à sa réflexion, il souffre de son absolue solitude, contre laquelle il lutte en personnifiant les choses qui l'entourent et en s'adressant à un public imaginaire; néanmoins, quand il fait enfin la rencontre de ce qu'il considère être un sauvage, il reste difficile pour Robinson de sortir de son isolement. Dans ce cas particulier il n’est pas si sûr que la présence d'autrui évite la solitude et on peut se demander si plus généralement la présence de l'autre, du prochain, avec son identité propre et ses différences, permet à l'homme d'échapper à la condition nuisible et désagréable d'un isolement physique ou moral ?
Nous verrons tout d’abord qu’effectivement la présence d’autrui est une condition nécessaire pour s’affranchir de la solitude car elle nous donne des repères et nous permet d’exister sous un autre regard ; mais nous verrons qu’elle n’est pas suffisante et qu’elle peut même aggraver le sentiment de solitude si elle est indifférente superficielle, intéressée ou hostile enfin nous essaierons de définir dans quelles conditions la présence d’autrui peut nous éviter la solitude , à force de dialogue et d’échanges , pour que se forgent entre les hommes des relations authentiques.
Dans son sens le plus concret, la solitude est isolement, privation d'autrui. Par définition donc, l'homme entouré d'autres corps ne saurait être seul. On touche ainsi à la conception de la présence d'autrui, au centre de l'analyse de Merleau-Ponty. Celui-ci conclut que c'est d'abord en tant que corps qu'autrui nous apparaît, l'intersubjectivité étant inter corporéité, le corps est bel et bien accessibilité. Ainsi, Robinson contemplait son