La structure narrative dans la dentelliere
José Ángel García Landa
Universidad de Zaragoza, 1984
Édition électronique 2004 Le démasquement du narrateur
Il est difficile de trouver la première phrase pour une discussion sur La Dentellière. Par où commencer? Le livre a dans un certain sens une signification circulaire: on ne voit clair dans la vérité de l'histoire qu'après avoir lu la fin, et la fin, bien entendu, n'est accessible qu'à travers le reste du livre. Nous avons affaire à un livre-piège: on nous a imposé une certaine convention et on l'a trahie ensuite; un tour de force du discours nous révèle un aspect tout nouveau de l'histoire. Ceci oblige le lecteur à réinterpréter ce qui précède le dénouement et à modifier le jugement qu'il a porté sur les personnages et le narrateur aussi bien que sur le genre de livre qu'il est en train de lire. Dans son article "Les Catégories du récit littéraire" (1966), Todorov parle d'une "infraction à l'ordre" établi par le livre même, une infraction qui permet de menr l'oeuvre qu'il analyse (Les Liaisons dangereuses) vers sa conclusion. Il ne se prononce pas sur l'universalité de cette rupture dans tous les romans, mais ici nous en avons un exemple parfait. L'infraction porte dans ce cas-ci sur la voix du narrateur: les trois premières chapitres présentent un narrateur hétérodiégétique, qui nomme le personnage d'Aimery à la troisième personne; la fin est différente.
Le livre est divisé en quatre chapitres de longueur inégale. Le premier (I, 11-81) nous présente l'enfance de Pomme dans son village du Nord, avec sa mère, deux êtres à mi-chemin entre le stoïcisme et la stupidité. Le deuxième (II, 28-81) nous montre leur vie à Paris quelques années plus tard, et l'amitié de Pomme avec Marylène. Pomme est déjà caractérisée d'une façon ambigüe; un être dont la vulgarité cache un espèce de pureté profonde et de poésie; tandis que son "amie" Marylène et ses amis à elle sont tout simplement vulgaires.