Un système en reconfiguration :
L’émigration des Irakiens de la guerre du Golfe à la guerre d’Irak (1990-2003).[1]

Géraldine Chatelard[2]

L’Irak est au centre des recompositions qui continuent d’affecter l’ordre migratoire moyen-oriental depuis la guerre du Golfe de 1990-1991. Le système migratoire irakien (c’est-à-dire l’ensemble des systèmes qui lient l’Irak à un autre pays par des circulations migratoires) a lui-même réagi aux profonds changements structurels qu’a connus l’Irak durant la dernière période du régime ba’thiste : bouleversements de la place du pays dans l’ordre politique et économique mondial et régional, déstructuration de son économie nationale, renforcement de la nature autoritaire de son régime et recrudescence de la violence politique. On se propose ici d’élucider les mouvements migratoires des Irakiens quittant leur pays, tendance qui se développe considérablement après 1990 alors que les flux d’immigration vers l’Irak, jusque là plus importants que les flux d’émigration, se tarissent presque complètement[3]. Une première partie décrit et analyse les dynamiques, les flux, les directions, les foyers et les déterminants sociologiques de cette émigration à la veille de la guerre du Golfe et relie les divers éléments en vue de dégager un fonctionnement en système aux niveaux régional et mondial. Une deuxième partie se focalise sur les recompositions régionales de l’émigration irakienne à l’œuvre dans une période comprise entre l’invasion irakienne du Koweït en 1990 et la fin de l’année 2002, avant qu’un nouveau conflit ne semble inéluctable et n’ajoute un chapitre à l’histoire migratoire irakienne. La dernière partie esquisse les termes du passage de l’échelle régionale à l’échelle mondiale au cours de cette dernière période. Ce travail emprunte largement aux concepts, théories et méthodes développés par la géographie sociale et la sociologie des réseaux appliquées à l’étude du phénomène migratoire, plus particulièrement à des