LA5 Ndiaye Trois Femmes Puissantes
Les métamorphoses du héros dans le roman du XXe et du XXIe siècle
Trois Femmes puissantes de Marie NDiaye – Extrait
Lecture analytique 5
Dans Trois Femmes puissantes, Marie NDiaye met en scène trois héroïnes qui refusent les humiliations qu'on veut leur imposer. Khady, Sénégalaise qui a perdu son mari, vit avec sa belle-famille, qui lui dénie toute valeur.
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Khady évitait de se montrer dans la cour car elle redoutait encore les paroles sarcastiques sur la nullité, l'absurdité de son existence de veuve sans biens ni enfants, et quand elle était obligée de s'y tenir pour éplucher les légumes ou préparer le poisson elle se rencognait si bien, ne laissant dépasser de sa mince silhouette accroupie dans son pagne, resserrée sur elle-même, que ses doigts rapides et, de son visage baissé, les hauts méplats de ses joues, qu'on cessait vite de lui prêter attention, qu'on l'oubliait, comme si ce bloc de silence et de désaffection ne valait plus l'effort d'une apostrophe, d'un quolibet.
Sans cesser de travailler elle glissait dans un état de stupeur mentale qui l'empêchait de comprendre ce qui se disait autour d'elle.
Elle se sentait alors presque bien.
Elle avait alors l'impression de dormir d'un sommeil blanc, léger, dépourvu de joie comme d'angoisse.
Tôt chaque matin elle quittait la maison en compagnie de ses deux belles-soeurs, toutes trois portant sur leur tête les bassines en plastique de tailles diverses qu'elles vendraient au marché.
Elles retrouvaient là leur emplacement habituel.
Khady s'accroupissait un peu à l'écart des deux autres qui feignaient, elles, de ne pas s'apercevoir de sa présence, et elle demeurait ainsi des heures durant, répondant par trois ou quatre doigts levés quand on s'enquérait du prix des bassines, immobile dans la bruyante animation du marché qui, en l’étourdissant vaguement, l’aidait à retrouver cette sensation de torpeur parcourue de songeries laiteuses, inoffensives, plaisantes, pareilles à de