Le chant de l'anaconda en amazonie
Le chant de l’Anaconda
Une voix est restée en moi pendant plusieurs années sans codes pour la comprendre. Cette voix chantée, c’est celle de Petronio, le chamane que j’ai rencontré il y a quelques années lors d’un long voyage dans la forêt amazonienne. J’étais partie seule, brutalement, dans cette pulsion de jeunesse de pousser mes limites et de découvrir une autre façon de vivre. Pendant les deux mois passés dans la forêt à m’occuper d’une ribambelle d’enfants de la tribu Quechua, je suis tombée malade, contaminée par l’eau polluée du rio Napo. Loin de tout, c’est Petronio, le chamane du village de Shiripuno, qui m’a soignée. J’ai alors assisté, alitée, à une étrange cérémonie thérapeutique. Peu après, avec ce même Petronio, nous avons partagé de l’ayahuasca et j’ai eu une deuxième occasion d’entendre ses chants énigmatiques. Ces deux rituels, je ne les ai bien sûr qu’assez peu compris. Le travail de ce dossier et particulièrement la lecture du Chant de l’anaconda de Pierre Déléage, m’ont aidé à interpréter ce qu’ils signifiaient et quelle était la place et le pouvoir des chants dans ces cérémonials. Je tenterai donc dans cette étude de faire un parallèle entre mon expérience ostensive et l’analyse de Déléage. Les peuples d’Amazonie et leur chamanisme est un sujet très courant dans les études ethnomusicologiques, mais étonnement, il n’existe que très peu de travaux sur les chants dans leur détail. Cette absence, Déléage l’explique par l’utilisation d’une langue opaque,
complexe, et souvent différente de celle de la vie quotidienne mais également parce qu’une partie des chants serait énoncée dans une langue non humaine, la langue des anacondas, un dialecte secret chamane. Il existe deux familles de chant ; ceux de rituels collectifs liés à l’absorption de l’ayahuasca, on les appelle Rabi et ceux thérapeutiques appelés Coshoiti. Ces noms sont bien évidemment variables en fonction des peuples de la forêt. Nous partirons de ceux –ci parce