Le jeu de l'amour et du hasart de marivau
Dorante, Silvia, Arlequin
Arlequin. - Ah, te voilà, Bourguignon ; mon porte-manteau et toi, avez-vous été bien reçus ici ?
Dorante. - Il n'était pas possible qu'on nous reçût mal, Monsieur.
Arlequin. - Un domestique là-bas m'a dit d'entrer ici, et qu'on allait avertir mon beau-père qui était avec ma femme.
Silvia. - Vous voulez dire Monsieur Orgon et sa fille, sans doute, Monsieur ?
Arlequin. - Eh oui, mon beau-père et ma femme, autant vaut ; je viens pour épouser, et ils m'attendent pour être mariés ; cela est convenu, il ne manque plus que la cérémonie, qui est une bagatelle.
Silvia. - C'est une bagatelle qui vaut bien la peine qu'on y pense.
Arlequin. - Oui, mais quand on y a pensé on n'y pense plus.
Silvia, bas à Dorante. - Bourguignon, on est homme de mérite à bon marché chez vous, ce me semble ?
Arlequin. - Que dites-vous là à mon valet, la belle ?
Silvia. - Rien, je lui dis seulement que je vais faire descendre Monsieur Orgon.
Arlequin. - Et pourquoi ne pas dire mon beau-père, comme moi ?
Silvia. - C'est qu'il ne l'est pas encore.
Dorante. - Elle a raison, Monsieur, le mariage n'est pas fait.
Arlequin. - Eh bien, me voilà pour le faire.
Dorante. - Attendez donc qu'il soit fait.
Arlequin. - Pardi, voilà bien des façons pour un beau-père de la veille ou du lendemain.
Silvia. - En effet, quelle si grande différence y a-t-il entre être marié ou ne l'être pas ? Oui, Monsieur, nous avons tort, et je cours informer votre beau-père de votre arrivée.
Arlequin. - Et ma femme aussi, je vous prie ; mais avant que de partir, dites-moi une chose, vous qui êtes si jolie, n'êtes-vous pas la soubrette de l'hôtel ?
Silvia. - Vous l'avez dit.
Arlequin. - C'est fort bien fait, je m'en réjouis : croyez-vous que je plaise ici, comment me trouvez-vous ?
Silvia. - Je vous trouve... plaisant.
Arlequin. - Bon, tant mieux, entretenez-vous dans ce sentiment-là, il pourra trouver sa place.
Silvia. - Vous êtes bien modeste de vous en contenter, mais je