Le loup devenu berger
Crut qu'il fallait s'aider de la peau du renard, Et faire un nouveau personnage.
Il s'habille en berger, endosse un hoqueton, Fait sa houlette d'un bâton, Sans oublier la cornemuse. Pour pousser jusqu'au bout la ruse,
Il aurait volontiers écrit sur son chapeau:
«C'est moi qui suis Guillot, berger de ce troupeau.» Sa personne étant ainsi faite,
Et ses pieds de devant posés sur sa houlette,
Guillot le sycophante approche doucement.
Guillot, le vrai Guillot, étendu sur l'herbette, Dormait alors profondément;
Son chien dormait aussi, comme aussi sa musette:
La plupart des brebis dormaient pareillement. L'hypocrite les laissa faire;
Et pour pouvoir mener vers son fort les brebis,
Il voulut ajouter la parole aux habits, Chose qu'il croyait nécessaire. Mais cela gâta son affaire,
Il ne put du pasteur contrefaire la voix.
Le ton dont il parla fit retentir les bois, Et découvrit tout le mystère. Chacun se réveille à ce son, Les brebis, le chien, le garçon. Le pauvre loup dans cet esclandre, Empêché par son hoqueton, Ne put ni fuir, ni se défendre.
Toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre Quiconque est loup agisse en loup: C'est le plus certain de beaucoup
S'aider de la peau du renard: Agir avec ruse. Expression proverbiale du temps de La Fontaine qui fait référence à la ruse du renard. Elle remonterait au moins à Plutarque qui écrivait dans « Les vies des hommes illustres », chapitre XI « Quand la peau du lion n'y peut fournir, il y faut coudre aussi celle du renard. Jacques Schiffrin note que dans sa « Lettre à Monsieur de Turenne », La Fontaine écrit « Quoi ! la bravoure et les matoiseries ?... / Vous savez coudre . .