Grande vivacité de cette chronique de la cour, audace de la Fontaine parce qu’il ne se contente pas d’allusions, de critique indirecte. Ici il prend la parole directement, ne parle plus derrière le masque des animaux, désapprouve les courtisans et les rois (mais pas le roi, quand même). Nous avons donc vu que la cérémonie des obsèques de la Lionne tournait à un cérémonial de cour empreint de flatterie et de mensonge, pratiques suscitées par un pouvoir royal tyrannique et brutal. Fable polyphonique dans laquelle le Cerf se fait lui-même fabuliste, les « Obsèques » invitent aussi le lecteur, par le biais d’une mise en abyme, à réfléchir au pouvoir des fables, au « crédit que ce mensonge a sur nous ». Victoire du mensonge sur la calomnie, leçon de sagesse immorale, cette fable célèbre les appâts du genre, en même temps qu’elle nous met en garde contre l’affabulation. Elle offre un écho inversé du récit du « Loup et l’Agneau » : pour se défendre face aux amalgames, aux arguments d’autorité et aux mensonges du Loup, l’Agneau choisit la vérité, mais au prix de sa vie. Le Cerf fait ici meilleur usage de la rhétorique de cour : il a compris qu’en ces lieux, il s’agit de paraître plutôt que d’être, et que le roi plus que tout autre est victime de ses désirs, sensible au songe et au mensonge. Ainsi consacre-t-il le triomphe de la fable en savourant sa revanche : ce n’est pas la Reine qui « prend plaisir » à sa vengeance, mais bien l’hôte des bois, le fabuliste et le lecteur avec