Littéraire
Phèdre, Racine, Acte II,5 (1677)
Tartuffe, Molière, Acte III,3 (1669)
On ne badine pas avec l'amour, Musset, Acte III,8 (1834)
Electre, Giraudoux, Acte II,6 (1937)
Phèdre, Racine, Acte II,5
HIPPOLYTE. - Madame, il n’est pas temps de vous troubler encore.
Peut-être votre époux voit encore le jour ;
Le Ciel peut à nos pleurs accorder son retour.
Neptune le protège, et ce Dieu tutélaire
Ne sera pas en vain imploré par mon père.
PHEDRE. - On ne voit point deux fois le rivage des morts,
Seigneur. Puisque Thésée a vu le sombres bords,
En vain vous espérez qu’un Dieu vous le renvoie ;
Et l’avare Achéron ne lâche point sa proie.
Que dis-je ? Il n’est point mort, puisqu’il respire en vous.
Toujours devant mes yeux je crois voir mon époux.
Je le vois, je lui parle, et mon cœur... Je m’égare,
Seigneur ; ma folle ardeur malgré moi se déclare.
HIPPOLYTE. - Je vois de votre amour l’effet prodigieux.
Tout mort qu’il est, Thésée est présent à vos yeux ;
Toujours de son amour votre âme est embrasée.
PHEDRE. - Oui, Prince, je languis, je brûle pour Thésée.
Je l’aime, non point tel que l’ont vu les enfers,
Volage adorateur de mille objets divers,
Qui va du Dieu des morts déshonorer la couche ;
Mais fidèle, mais fier, et même un peu farouche,
Charmant, jeune, traînant tous les cœurs après soi,
Tel qu’on dépeint nos Dieux, ou tel que je vous vois.
Il avait votre port, vos yeux, votre langage,
Cette noble pudeur colorait son visage
Lorsque de notre Crète il traversa les flots,
Digne sujet des vœux des filles de Minos.
Que faisiez vous alors ? Pourquoi, sans Hippolyte,
Des héros de la Grèce assembla-t-il l’élite ?
Pourquoi, trop jeune encore, ne pûtes-vous alors
Entrer dans le vaisseau qui le mit sur nos bords ?
Par vous aurait péri le monstre de la Crète,
Malgré tous les détours de sa vaste retraite.
Pour en développer l’embarras incertain,
Ma sœur du fil fatal eût armé votre main.
Mais non, dans ce dessein je