« De moi ne peut vous venir plus grand don, que de vous donner la faculté de pouvoir en très peu de temps comprendre tout ce que j’ai, pour ma part , en tant d’années, avec tant de tourments et de périls, appris et compris. » C’est par ces mots que Machiavel présente son œuvre Le Prince à Laurent de Médicis qui régnait alors sur Florence. Par ce traité de politique, il s’inscrit dans la lignée des grands penseurs qui ont essayé de faire de leur roi des « despotes éclairés » : Platon pour Dion de Syracuse, Aristote pour Alexandre le Grand, Sénèque pour Néron, Suétone pour Hadrien. Mais si ce traité est resté célèbre, c’est certainement en raison des mystérieuses intentions de l’auteur. Souhaitait-il rentrer en grâce et trouver un emploi de conseiller auprès de la famille Médicis ? Ne dresse-t-il pas aussi une sorte d’anti-leçon en dévoilant ce qu’il ne faut pas faire si l’on veut être vertueux et humain ? Où s’arrête l’honnête conseiller et où commence l’ironique peintre des mœurs de son siècle? Dans la lignée des penseurs de l’Antiquité qui estimaient avoir un devoir de conseil auprès des plus grands, et des esprits du Quattrocento italien qui commençaient à s’émanciper de la pensée unique du Moyen-âge, les écrivains humanistes n’auront de cesse de porter un jugement critique sur leur époque en conseillant les puissants. Le Prince, écrit en 1513, est nourri par ces deux sources, son auteur étant convaincu de l’utilité de son œuvre. Le texte choisi est extrait du chapitre 17 intitulé « Des cruautés et de la clémence, et s’il vaut mieux être aimé que craint ». Le traitement que Machiavel fait de cette question, provocatrice quant à sa tournure qui confronte des valeurs dont la hiérarchie semble a priori évidente, est révélatrice de la duplicité de l’auteur et de la tonalité de l’œuvre dans son ensemble. Machiavel tente de répondre d’une manière précise, structurée et concrète à cette question.
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