Le film Masculin féminin est un produit de génie de Jean-Luc Godard. Qualifié d’œuvre d’art par certains et de film sociologique, voire même anthropologique, par d’autres, le film est surtout un tableau de la jeunesse française des années soixante. Comme le dit un insert dans le film, « Le philosophe et le cinéaste ont en commun une certaine manière d’être, une certaine vue du monde qui est celle d’une génération. »[1] Godard utilise donc la sociologie et ses aptitudes artistiques pour mélanger l’art et la science. Le résultat est un récit fascinant de la vie de six jeunes qui représentent une génération confuse qui se trouve à la croisée des chemins entre le passé et le future ; entre les valeurs sociales, morales et culturelles traditionnelles et les nouvelles valeurs du monde moderne. Godard se sert de ses acteurs non seulement comme sujets d’analyses sociologiques, mais aussi comme sociologues. Avec son génie artistique cinématographique, il jongle avec et réalise plusieurs types de plans dans une démonstration d’usage technique exceptionnelle de la camera. Godard mélange donc tous ces aspects pour indiquer quinze faits précis sur cette génération. Mais quelle est donc la « vue » exacte de Godard sur cette génération ? Les dernières paroles du film sont : « J’hésite… J’hésite. » Voilà la réponse à la question. Cette conclusion est une caractérisation parfaite de cette génération. La génération de Paul, Madeleine, Robert, Catherine, Elizabeth et Mademoiselle 19 ans, c’est une génération qui est indécise. Un des protagonistes du film s’appelle Robert. Il est le meilleur ami de Paul. Il est sans aucun doute celui qui est le moins indécis des deux. Il a des convictions et se voue beaucoup plus que Paul à l’action politique et syndicale. Militant, il passe beaucoup de temps à coller des affiches, à signer des pétitions, à faire des graffitis et à assister à des réunions syndicales. Robert se croit marxiste. Il s’élève contre le patronat qui domine les