Maternité en révolutions catherine halpern
Quoi de plus naturel pour une femme que d'être mère ? Sans doute, mais la maternité n'est pas pour autant une donnée immuable et intemporelle. C'est ce que note avec force Yvonne Knibiehler, pionnière de l'histoire de la maternité : « La fonction maternelle chez les humains n'a rien de naturel ; elle est toujours et partout une construction sociale, définie et organisée par des normes, selon les besoins d'une population donnée à une époque donnée de son histoire [1]. » Et l'histoire précisément semble s'être emballée tant les mutations touchant la famille et les femmes ont été importantes. Mais ont-elles pour autant bouleversé l'identité et la fonction maternelle ?
Une construction historique
Pour répondre à cette question, revenons sur cette histoire mouvementée. Elisabeth Badinter dans un livre qui provoqua bien des remous, L'Amour en plus, sous-titré Histoire de l'amour maternel (XVIIe-XVIIIe siècle)(2) s'en prenait à l'attachement maternel prétendument naturel et instinctif. Elle soutenait ainsi que les femmes à l'âge classique étaient plus mesurées qu'on ne le croit. Elle en voulait notamment pour preuve le fait que les mères écartaient vite l'enfant pour le mettre en nourrice. Tel était en effet l'usage au XVIIe siècle dans l'aristocratie et la bourgeoisie. Un comportement réservé à l'élite, rétorquera-t-on ? Non, car au XVIIIe siècle, cette pratique s'étend même à toutes les couches de la société. En fait, l'histoire de la maternité (3) met en évidence que ce n'est qu'à partir du XVIIIe siècle et l'avènement de la philosophie des Lumières que l'on valorise la figure de la bonne mère et qu'on glorifie l'amour maternel.