Modernité
Inextricablement mythe et réalité, la modernité se spécifie dans tous les domaines : État moderne, technique moderne, musique et peinture modernes, mœurs et idées modernes – comme une sorte de catégorie générale et d'impératif culturel. Née de certains bouleversements profonds de l'organisation économique et sociale, elle s'accomplit au niveau des mœurs, du mode de vie et de la quotidienneté – jusque dans la figure caricaturale du modernisme. Mouvante dans ses formes, dans ses contenus, dans le temps et dans l'espace, elle n'est stable et irréversible que comme système de valeurs, comme mythe – et, dans cette acception, il faudrait l'écrire avec une majuscule : la Modernité. En cela, elle ressemble à la Tradition.
Comme elle n'est pas un concept d'analyse, il n'y a pas de lois de la modernité, il n'y a que des traits de la modernité. Il n'y a pas non plus de théorie, mais une logique de la modernité, et une idéologie. Morale canonique du changement, elle s'oppose à la morale canonique de la tradition, mais elle se garde tout autant du changement radical. C'est la « tradition du nouveau » (Harold Rosenberg). Liée à une crise historique et de structure, la modernité n'en est pourtant que le symptôme. Elle n'analyse pas cette crise, elle l'exprime de façon ambiguë, dans une fuite en avant continuelle. Elle joue comme idée-force et comme idéologie maîtresse, sublimant les contradictions de l'histoire dans les effets de