Nationalisme
Selon Anne-Marie Thiesse[1], les identités nationales européennes, contrairement à ce que l'on pourrait croire, sont un phénomène récent et leur naissance n'est pas le produit d'un processus naturel. En effet, elles sont issues d'un travail de création culturelle entrepris par des intellectuels au XIXe siècle. Une nation, pour pouvoir se revendiquer comme telle, doit se doter des éléments de la « check-list » identitaire[2], c'est-à-dire des éléments de base qui symbolisent chaque nation mais qui varient selon le particularisme de chaque communauté. Parmi ces éléments de la « check-list », qui ont tous une fonction respective, on trouve: les ancêtres fondateurs, une histoire établissant la continuité de la nation à travers les âges, une série de héros incarnant les valeurs nationales, une langue, des monuments culturels et historiques, des lieux de mémoire, un paysage typique, une gastronomie...etc[3]. Nous allons nous pencher plus spécialement sur un des constituants de la check-list identitaire: les héros de la patrie. Pour analyser d'un peu plus près cet élément, basons-nous sur deux œuvres du Musée National de Prangins où l'importance des héros nationaux est manifeste.
Le premier objet situé dans la troisième salle du rez-de-chaussée, est un surtout de table en bois représentant Guillaume Tell, son fils lui tendant une pomme, et la fameuse arbalète à leurs pieds. Cette scène évoque la légende où Guillaume Tell, en 1307, aurait transpercé d'une flèche la pomme déposée sur la tête de son rejeton et ainsi triomphé du bailli Gessler, représentant des Habsbourg.
L'œuvre a été réalisée en 1782 par le sculpteur de Schaffhouse, Alexandre Trippel (1744-1793) à l'occasion des fêtes de la Société Helvétique[4]. Cette confrérie a été créée en 1761 par des érudits suisses qui avaient l'intention de favoriser « l’amitié et l’amour, l’unité et l’harmonie entre les Confédérés .[5]