Nietzsche
Jaques Louis David Portrait d’Antoine -Laurent et de Marie-Anne Lavoisier
Que la science n’ait pas aboli la croyance est pour Nietzsche une évidence. Ce qu’il exprime avec force dans un passage très célèbre du Gai savoir (paragraphe 344): on dit souvent que les convictions n’ont pas droit de cité dans la science, que l’esprit scientifique commencerait seulement avec le refus de toute conviction. Reste à savoir s’il n’est pas déjà indispensable, pour que cette discipline puisse elle-même commencer, qu’existe chez celui qui décide de s’y livrer un certain nombre de convictions. L’entreprise scientifique, pour se constituer en tant que telle, s’appuie inévitablement sur plusieurs croyances fondamentales concernant son sens et sa validité. «On voit que la science elle-même repose sur une croyance, il n’est pas de science sans postulat». La première croyance qui soutient l’édifice tout entier de la science est la croyance en l’intelligibilité foncière du réel, la croyance d’après laquelle la nature est connaissable intégralement. Or Nietzsche dénonce avec fermeté ce qui n’est pour lui qu’une fiction, ce qu’il appelle la fable d’un monde intelligible. La thèse selon laquelle la connaissance scientifique serait la connaissance de l’ essence réelle du monde n’est qu’une illusion délirante. Pense-t-on avoir réellement expliqué le monde quand on l’a réduit à un système de lois et enfermé dans un symbolisme mathématique? Aurait-on compris la valeur d’une musique si on cherchait à la réduire en chiffres? «Eh quoi? Voudrions nous vraiment ainsi laisser dégrader l’existence? la rabaisser au rang de composition de calcul, en faire un petit pensum pour mathématicien?».
La science, souligne Nietzsche, ne descend pas «aux ultimes abîmes de l’être» La seconde croyance sur laquelle repose la science est la croyance en la valeur de la vérité, en la dignité absolue de la vérité, érigée en valeur inconditionnelle. Ici, la science se révèle