« [...] Parmi tous ces résultats positifs, dus à un ensemble de causes et d'événements dont les croisades représentent l'aspect militaire (mais indissociable du social et du religieux [...]) il faut faire un sort particulier à la découverte progressive de l'Autre par les chrétiens d'Occident. La découverte a-t-elle été réciproque ? Il faut souligner d'emblée que chrétienté et Islam n'étaient pas sur la même ligne de départ en ce qui concerne la connaissance de l'Autre : le Prophète lui-même avait rencontré des ermites chrétiens, et les premiers musulmans (en dehors du groupe de tribus bédouines sorties de leur syncrétisme païen) étaient pour une bonne part des chrétiens convertis. Les Eglises chrétiennes d'Orient, nombreuses, vénérables et florissantes, étaient bien connues de leurs maîtres musulmans. De leur côté , les Byzantins se sont montrés assez vite capables de trouver des points de repère face à ce nouveau phénomène religieux : ce sont les évêques, leurs moines et leurs savants qui ont eu, les premiers, certaines informations sur l'Islam, par l'intermédiaire syrien, même s'ils ont longtemps sous-estimé le problème posé par cette nouvelle religion, tenue pour une forme bizarre et peu intéressante de barbarie. Les musulmans, eux, étaient parfaitement au courant de l'existence des roumi, les Byzantins, mais ils n'avaient aucune raison de s'intéresser aux lointains et rustiques farandji , les Francs ( seuls les Arabo-Berbères d'Espagne auront un premier contact avec eux dans les vingt premières années du VIII è siècle). Mais le fait que les farandji étaient chrétiens constituait déjà, pour l'Islam, une information tout à fait intelligible. En revanche, les chrétiens d'Occident n'avaient aucune idée claire sur laquelle ils pouvaient s'appuyer pour comprendre qui étaient ces nouveaux arrivants et ce qu'ils pensaient. Dans la tradition latine, conservée dans une large mesure mais peu diffusée, les Arabes étaient réputés molles , efféminés et corrompus ; et