Perrault, Contes

Grisélidis

Au XVII siècle, Grisélidis est un récit très populaire, largement diffusé par les livres de colportage. Il n’y a pas de trace écrite de Grisélidis avant le récit littéraire de Boccace. Edelstand du Méril estime que ce récit est fondé sur une histoire réelle, advenue vers 1003, mais Deulin considère comme sans valeur le témoignage sur lequel il s’appuie. Cette histoire de Grisélidis est connue en France par de nombreuses traductions du texte de Boccace et par un livre de colportage. Le récit de Perrault présente certaines différences avec ceux de Boccace et du livre de colportage. Boccace ne présente pas un héros comme un jeune accompli, mais comme un misogyne qui ne pense qu’à la chasse, et stigmatise son indignité dès l’introduction. Le récit de colportage vante ses qualités en deux lignes. En revanche, Perrault décrit en vingt lignes ce monarque accompli dans tous les arts et soucieux du bien de son peuple, de sorte que son comportement à l’égard de sa femme, devenue incompréhensible, doit être mis sur le compte d’une folie misogyne. Perrault a supprimé le fils, qui était présent chez Boccace et le livre de colportage, mais a ajouté l’histoire des amours de la fille avec un jeune gentilhomme. Grisélidis est renvoyée chez elle en habits de bergère, alors que dans les deux autres récits, l’héroïne, condamnée à rentrer toute nue chez son père, réclame une chemise pour prix de virginité. Le Grisélidis du livre de colportage est un conte, en ceci qu'il relate les événements de l'intrigue sans fioritures. Le récit de Perrault est une nouvelle, qui d'ailleurs se démarque explicitement du récit populaire. L'esthétique qu'il revendique est un esthétique romanesque, tout à l'opposé de celle du conte populaire. Il multiplie les expansions au récit tout sec et tout uni dont il a hérité. Il s'attarde aux descriptions du Pô, de la nature dans laquelle le prince s'égare, aux longs discours adressés aux courtisans et à Grisélidis, aux comparaisons