Phèdre integrale
Tome sixième
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Platon
PHÈDRE,
OU
DE LA BEAUTÉ.
Dialogue traduit par Victor Cousin
SOCRATE, PHÈDRE.
[227a]SOCRATE. Où vas-tu donc, mon cher Phèdre, et d’où viens-tu ?
PHÈDRE.
Socrate, je quitte en ce moment Lysias, fils de Céphale, et vais me promener hors des murs, car j’ai passé chez lui la matinée entière, toujours assis ; et, pour obéir à notre ami commun Acuménos[1], je me promène de préférence sur les chemins : cela délasse mieux, dit-il, que de faire le tour d’un [227b] drôme[2].
SOCRATE.
Et il a raison. Mais, à ce que je vois, Lysias[3] était en ville ?
PHÈDRE.
Oui, chez Épicrate, là-bas, dans la Morychia[4], près du temple de Jupiter Olympien.
SOCRATE.
À quoi donc le temps s’y est-il passé ? Je parie que Lysias vous a régalés de discours ?
PHÈDRE.
Je te dirai cela, si tu as le loisir de m’accompagner.
SOCRATE.
Comment ! crois-tu, pour parler avec Pindare[5] que je ne mets pas au-dessus de toute affaire le plaisir d’entendre ce qui s’est passé entre toi et Lysias ?
[227c] PHÈDRE. Avance donc.
SOCRATE.
Et toi, parle ; j’écoute.
PHÈDRE.
Vraiment, Socrate, la chose est intéressante pour toi ; car il a été fort question d’amour. Lysias suppose un beau jeune homme vivement sollicité, non par un amant, mais, ce qui est bien plus piquant, par un homme sans amour, qui veut démontrer qu’à ce titre même on doit avoir pour lui plus de complaisance que pour un amant.
SOCRATE.
Oh l’excellent homme ! il devrait bien démontrer aussi qu’en amour un pauvre a plus de droits qu’un riche, et un vieillard plus qu’un jeune homme : j’y gagnerais [227d] ainsi que beaucoup d’autres. L’idée serait galante, et ce serait un service à rendre au public. D’après ce que tu me dis, je me sens une si