Lachès extrait
(190e-194b)
SOCRATE: Alors, tentons en tout premier lieu, Lachès, de dire ce qu'est le courage.
Après cela, nous examinerons aussi de quelle façon on peut en assurer la présence chez les jeunes gens, et dans quelle mesure cette présence peut se fonder sur les exercices et les apprentissages. Eh bien, essaie de formuler ce que je demande: qu'est-ce que le courage ?
LACHES : Par Zeus, Socrate, ce n'est pas difficile à formuler. Si un homme est prêt à repousser les ennemis tout en gardant son rang, et sans prendre la fuite, sois assuré que cet homme est courageux.
SOCRATE : Bien parlé, Lachès. Mais sans doute suis-je responsable, en raison de l'obscurité de mon langage, du fait que tu n'as pas répondu à la question que j'avais en tête en te la posant, mais à une autre.
LACHES : Que veux-tu dire, Socrate ?
SOCRATE : Je vais te l'expliquer, pour autant que j'en aie la capacité. Il est courageux, j'imagine, cet homme dont tu parles, celui qui combat les ennemis tout en restant à son poste. LACHES: C'est bien ce que j'affirme.
SOCRATE : Et moi donc ! Mais qu'en est-il de celui qui combat les ennemis en fuyant, et qui ne reste pas à son poste ?
LACHES : Qu'entends-tu par « en fuyant » ?
SOCRATE: Je l'entends à la façon de ce que l'on rapporte des Scythes; ils ne combattent pas moins en fuyant qu'en pourchassant. Et Homère loue quelque part les chevaux d'Énée1 «prompts à se déplacer ici et là» et il dit qu'ils savent «pourchasser et fuir». Quant à Énée lui-même, Homère a aussi prononcé son éloge sous ce rapport, c'est-à-dire le savoir de la fuite, et il a affirmé qu'il est un «maître de la déroute ».
1
Dans la mythologie grecque, Énée est le fils de la déesse Aphrodite et du mortel Anchise.
LACHES : Et Homère avait raison, Socrate, car il parlait des chars de guerre. Et toi tu parles des cavaliers scythes; leur cavalerie combat en effet de cette façon, mais les hoplites2, en tout cas ceux des Grecs, se battent comme je le dis.
SOCRATE : À l'exception peut-être