Ponge « l’appareil du téléphone »
Aussitôt, le homard frémit sur son socle. Il faut qu’on le décroche : il a quelque chose à dire, on veut être rassuré par votre voix.
D’autres fois, la provocation vient de vous-même. Quand vous y tente le contraste sensuellement agréable entre la légèreté du combiné et la lourdeur du socle. Quel charme alors d’entendre, aussitôt la crustace détachée, le bourdonnement gai qui vous annonce prêtes au quelconque caprice de votre oreille les innombrables nervures électriques de toutes les villes du monde !
Il faut agir le cadran mobile, puis attendre, après avoir pris acte de la sonnerie impérieuse qui perfore votre patient, le fameux déclic qui vous délivre sa plainte, transformée aussitôt en cordiales ou cérémonieuses politesses… Mais ici finit le prodige et commence une banale comédie.
Francis Ponge est proche des surréalistes. Il veut rénover la langue et refuse un langage purement instrumental, celui qui consiste à la simple désignation des choses. Il est par ailleurs fasciné par l’aspect visuel et sonore des mots. Pour lui, les mots sont des choses : son travail consiste à produire des objets de langage qui soient analogiques aux objets du monde réel. Chez Ponge, le fonctionnement du langage est particulier : le mot n’est pas inséré dans le texte en fonction de son référent mais en fonction des liens graphiques, phonétiques et sémantiques qu’il entretient avec les autres signes. Ponge est un poète artisan.
Étude du poème
Le texte est un poème en prose, structuré en paragraphes. Le texte est surprenant par le registre métaphorique qui concerne un