Pourquoi vouloir se connaitre?
Personne ne semble mieux placé que soi-même pour se connaître, pourtant par des expériences, le regard d'autrui ou le récit de ses origines, on cherche toujours à saisir une partie de soi qui pourrait échapper. Dans le film Baisers volés de Truffaut, le patron d'un magasin va jusqu'à embaucher un détective pour savoir ce que son personnel et sa famille pensent de lui.
Mais peut-on établir un savoir sur quelqu'un ? L'être humain, soumis au devenir, n'est-il pas en perpétuel changement ? Pourquoi vouloir alors se connaître ? Est-ce une tentative vaine ou est-il possible de saisir sa personne dans son unité, c'est-à-dire ce qui fonde son identité ?
Une connaissance doit répondre à des exigences d'objectivité, c'est-à-dire de nécessité et d'universalité. Or le propre d'un sujet n'est-il pas d'échapper par sa liberté à toute objectivation ? Et si la connaissance de soi est possible, même partiellement, vouloir se connaître n'est-ce pas se condamner à faire l'épreuve de sa misère et de sa faiblesse ? Veut-on vraiment toujours se connaître ?
Il s'agit de comprendre d'abord en quoi la connaissance de soi est constitutive du sujet. Nous verrons que cette entreprise se heurte à l'impossibilité du sujet à se laisser objectiver. Il faudra alors redéfinir l'entreprise non pas de connaissance mais d'interprétation infinie du sujet qui est à la base de son évolution.
1. La connaissance de soi est constitutive du sujet
A. L'idéal socratique du « Connais-toi toi-même »
L'inauguration de la philosophie par Socrate est marquée par une rupture avec l'explication mythologique du réel et par une volonté de comprendre le monde rationnellement. Or, pour chercher à connaître quelque chose, il faut d'abord avoir conscience de son ignorance, donc savoir quelque chose de soi. Ainsi Socrate aurait fait sa maxime de l'injonction située sur le fronton du temple de Delphes : « Connais-toi toi-même ».
Cette maxime désigne en réalité la mise en demeure de rester à sa place par