Qu'est-ce qu'un lecteur ?
Les premières lignes du roman sont pour le moins surprenantes : l’auteur nous tutoie (narration à la 2ème personne) avec « Tu vas commencer le nouveau roman d’Italo Calvino ». Il s’adresse directement à nous. « Tu » correspond à une figure du lecteur inventée par le roman lui-même et à laquelle tout lecteur s’identifie en lisant l’histoire. « Tu » est le sujet de tous les verbes d’actions : le discours est comme un langage mis en action par le lecteur. C’est lui le moteur de l’histoire : s’il s’immobilise, le roman aussi. « Essaie de prévoir dès maintenant tout ce qui peut t’éviter d’interrompre ta lecture » met l’accent sur un élément essentiel : le discours ne doit pas s’arrêter pour que le lecteur permette au personnage d’exister. « Tu » prend donc sa place de personnage essentiel de l’histoire.
Croyant entamer un roman, le lecteur se retrouve à lire un manuel d’instructions expliquant les conditions favorables à une « bonne » lecture. Le narrateur se met à la place du lecteur et s’imagine toutes les situations possibles et envisageables pour que le lecteur se reconnaisse forcément dans l’une d’elles. Ainsi, le lecteur passe du monde « réel » où il commence son roman à la fiction puisque ce qu’il vit est déjà écrit sur la page. Comme un script qu’il suit malgré lui. Il entend un discours qui lui est adressé et dont il est en même temps le protagoniste. « Tu » prend donc sa place de personnage principal de l’histoire.
On pourrait donc dire que le lecteur est confronté à une « double réalité ». Sans s’en rendre compte, le lecteur vit sa première aventure.