JULIETTE. - Mille fois bonne nuit ! (Elle quitte la fenêtre. )
ROMÉO. - La nuit ne peut qu'empirer mille fois, dès que ta lumière lui manque... (Se retirant à pas lents.) L'amour court vers l'amour comme l'écolier hors de la classe ; mais il s'en éloigne avec l'air accablé de l'enfant qui rentre à l'école.
Juliette reparaît à la fenêtre.
JULIETTE. - Stt ! Roméo ! Stt !... Oh ! que n'ai-je la voix du fauconnier (celui qui dresse les oiseaux de proie) pour réclamer mon noble tiercelet (mâle de divers oiseaux de proie) ! Mais la captivité est enrouée (altération de la voix) et ne peut parler haut : sans quoi j'ébranlerais la caverne où Écho dort, et sa voix aérienne serait bientôt plus enrouée que la mienne, tant je lui ferais répéter le nom de mon Roméo !
ROMÉO, revenant sur ses pas. - C'est mon âme qui me rappelle par mon nom ! Quels sons argentins a dans la nuit la voix de la bien-aimée ! Quelle suave musique pour l'oreille attentive !

← Juliette, en quantifiant les « bonne nuit» (l.1) par le déterminant «mille», rappelle à quel point la nuit sera longue, indéfinie sans son soupirant. Sa passion est telle que le simple fait de traverser la nuit sans son amour mérite un quasi-adieu.

← Roméo, lui, répond à Juliette en réutilisant les termes «mille fois» (l.1) afin de jauger la pénibilité qu’il lui faudra pour quitter sa douce. En effet, l’application du verbe «empirer» (l.2) implique que la nuit sera de pire en pire tant que la «lumière» (l.2) de Juliette lui manquera. On remarque alors une antithèse entre la «nuit» (l.2) et la lumière (l.2). Ainsi, la nuit de Roméo sera un rappel constant du manque de sa belle princesse et, tant que leur rencontre n’aura pas lieu, sa vie restera sans soleil.

← Leur passion est d’une telle ardeur que Roméo compare ses retrouvailles avec Juliette à une liberté vers laquelle il «court» (l.3). Roméo ajoute même que leur réunion serait aussi convoitée que la délivrance de la fin des cours pour «l’écolier»