Si tu t'imagines
La tradition de Ronsard, et plus loin encore, la philosophie épicurienne d’Horace ou la pensée d’Héraclite est prolongée dans « Si tu t’imagines » à travers plusieurs aspects. Tout d’abord, on y retrouve la thème de la fuite du temps, le fameux « pantha reï » grec dans des phrases à portée universelle, au présent gnomique : « les beaux jours s’en vont ». L’emploi du futur proche est appuyé à travers un jeu verbal qui s’appuie sur la restitution phonétique d’éléments en langage parlé : « xa va xa va xa /va durer toujours », en les répétant dans la première strophe et la deuxième jusqu’à en faire un matériau musical. L’idée de durée est d’ailleurs renforcée par le fait que le mot « va » est répété une fois de plus au vers 21, qui a ainsi un statut d’exception dans le poème : c’est le seul hexasyllabe du texte. On peut aussi considérer que l’allongement progressif des strophes exprime lui aussi le passage du temps, d’autant plus que la première (la plus courte) évoque plus la jeunesse, alors que la dernière (la plus longue) évoque la vieillesse. Ensuite, Queneau peut nous sembler s’inscrire dans la tradition de Ronsard par la cruauté dont il fait preuve à l’égard de sa muse, la « fillette » à laquelle il s’adresse en la tutoyant familièrement. Comme le poème