Sophie Dumoulin Actes
Université du Québec à Montréal / Université Paul Verlaine-Metz
Rite de passage dans Le Dernier Jour d’un Condamné de Victor Hugo. Échec de l’efficacité symbolique et carnavalisation
« La guillotine est la concrétion de la loi […]. Elle n’est pas neutre et ne nous permet pas de rester neutre. Qui l’aperçoit frissonne du plus mystérieux des frissons. Toutes les questions sociales dressent autour de ce couperet leurs points d’interrogation1. »
Victor Hugo, Les Misérables I
Fruit de sa contemporanéité, Le Dernier Jour d’un Condamné, troisième roman de Victor Hugo, marque les premiers pas d’une écriture qui se veut symptomatique de la situation de la France par rapport à la question de la peine capitale. Publiée en 1829, cette œuvre, dira Myriam Roman, « surgit à un moment où la peine de mort est un sujet d’actualité qui remet en débat des problèmes soulevés par la Révolution et mis en sommeil sous l’Empire2 ». Alors que la réflexion sociopolitique de Hugo s’impose au fil des tirages de l’œuvre pour culminer dans le discours préfaciel contre la peine de mort qui est ajouté à la cinquième édition, en 1832, il est déjà possible de percevoir à travers la parole du condamné une sensibilité de l’auteur à la dimension sociale de la pénalité et de la criminalité. Le roman repose, de fait, sur le récit, à la première personne, d’un condamné qui vit ses dernières heures en traversant le couloir de l’angoisse et de la souffrance qui le conduira jusqu’à la guillotine. Aussi voyons-nous dans le cheminement du condamné la problématique que se propose d’examiner cette journée d’étude. Dans la mesure où la représentation du processus de peine de mort est élaborée à partir de la réappropriation, par
Hugo, des mécanismes inhérents aux cérémonies sacrificielles, la ritualisation de la violence contrôlée, canalisée, s’actualisera dans le roman à travers un motif culturel particulier : le rite de passage. Notre lecture se penchera sur la textualisation littéraire de ce