Supplément au voyage de bougainville
3-A et B sont aussi tous deux des hommes des Lumières:
- ils lisent et aiment à discuter de leurs lectures ;
- ils s’intéressent aux grandes questions qui animent les débats des salons :le rapport entre le sauvage et le civilisé, la propagation des espèces d’un continent à l’autre (p. 29). Ils sont capables d’un recul philosophique et quasiment ethnologique par rapport à la « cruauté » de certaines coutumes, ainsi que d’une vision synthétique de l’évolution des coutumes religieuses et politiques en fonction des nécessités naturelles. Hommes des Lumières, A et B s’interrogent ainsi sur les modes de peuplement de l’univers, sur les rapports entre l’histoire, les moeurs et la nature, sur les problèmes de la colonisation. Reconnaissant la cruauté des peuples sauvages, ils sont capables de lui trouver des explications avant même de la juger.
1-Le mot « supplément » désigne une « partie ajoutée à un livre pour compléter ce qui y manquait, notamment dans le titre d’ouvrages littéraires » Le titre de Diderot annonce par conséquent un texte d’informations complémentaires au livre de Bougainville, aussi authentiques que celles du
Voyage, lequel s’employait depuis le XVIe siècle par métonymie* pour « récit de voyage ». Si le nom de l’auteur n’était pas inscrit sur la même page, il pourrait même sous-entendre que Bougainville lui-même a ajouté un supplément à son Voyage.
Le titre est suivi d’un sous-titre, explicitation du premier par l’emploi de la conjonction « ou »: « Dialogue entre A et B sur l’inconvénient d’attacher des idées morales à certaines actions physiques qui n’en comportent pas ». L’oeuvre s’inscrit donc dans la lignée des dialogues philosophiques tels que pouvait les écrire Platon. Le lecteur est tenté d’inscrire l’oeuvre de Diderot dans le genre de l’essai et comprend grâce au caractère abstrait des termes employés dans ce sous-titre que, même si Diderot s’appuie sur l’oeuvre de Bougainville, c’est plutôt à la